Jour 4 – Petit manuel de street art en rase campagne

Samedi, fin d’après-midi. Je prends congé de Camille et quitte Pau en direction du nord. Pour le moment, mon voyage se déroule sans trop d’accrocs : je parviens à maintenir une visibilité de deux jours sur les endroits où je vais dormir. Je trouve mes hôtes sur le site CouchSurfing, et peux parfois me payer le luxe de choisir les profils les plus atypiques.

Aujourd’hui j’avais entrevu la possibilité d’aller passer la journée dans une communauté de méditation, dans le Gers. Mais la fille a semblé prendre peur quand je lui ai parlé de Youtube et de ma caméra. Sans nouvelles d’elle, je décide de garder le cap gersois et de séjourner à Eauze, chez Marie.

Pour le moment je transite en solitaire. Malgré des annonces quotidiennes de covoiturage, je ne parviens pas à trouver des personnes intéressées pour prendre place sur le siège passager de ma Twingo noire. Peut-être mes trajets sont-ils trop courts pour être partagés.

Je suis accueilli par l’odeur réconfortante du repas qui mijote sur le feu. Marie me salue avec un mélange de timidité et de bienveillance, puis me fait visiter sa maison. D’emblée, je suis sous le charme : sur les murs de pièces volumineuses et biscornues sont dessinés au pinceau des motifs improvisés. Une vraie maison d’artiste. Attenant à la cuisine, un petit atelier offre une idée des créations de Marie. Sculptures, peintures, collages s’y entremêlent avec harmonie. Marie se rend ici tous les jours, une fois terminée sa journée dans son cabinet de psychothérapie.

Le repas est végétarien : un plat de blettes et de brocolis relevé à l’aide de gingembre, délicieux. Avant cela, j’avais délivré à Marie le cadeau que Camille lui destinait : des caramels ramenés d’Argentine, qui seront ouverts pour le dessert. Nous passons ensuite une bonne partie de la soirée à parler de son métier, et à refaire le monde.

Eauze compte 3881 habitants. Ce n’est pas à proprement parler un terrain propice au street art. Pourtant, Marie a réservé le pan de mur donnant sur la ruelle à ses invités. En repartant de chez elle, ils sont conviés à y laisser une trace, sous forme d’une affiche collée là. Je ne suis pas manuel, je ne sais pas dessiner. Je décide donc d’y laisser des mots qui m’avaient touchés, postés par une amie le soir des attentats. Tracés maladroitement sur une feuille de papier déjà jaunie par la colle, ils seront sans doute lavés par la prochaine pluie. Les souvenirs, eux, ne s’effaceront pas.