Jour 47 – Introduction à la biodynamie

Mercredi dernier, à Colmar. J’attends sagement Maëva, mon hôtesse du jour, dans un pub irlandais de la Grand-Rue. Elle doit rentrer un peu tard d’un déplacement professionnel. Un garçon tout juste sorti de l’adolescence m’offre une bière ; il vient de débuter sa carrière de gendarme, dans la vallée du Munster. Il a un peu trop bu et décline sa profession à qui veut bien l’entendre. Des types du bar le regardent d’un œil patibulaire. Maëva arrive à point nommé avant que la situation ne s’envenime.

Maëva, son truc, c’est la biodynamie. Elle travaille depuis quelques mois pour Demeter, une association chargée de certifier les agriculteurs travaillant sous ce label. Avant cela, elle s’est beaucoup cherchée : après des études d’ingénieur agronome classiques, elle n’avait appris que des méthodes d’agriculture conventionnelle, dopée aux pesticides. Elle n’arrive pas à faire semblant, à trouver sa place dans un système auquel elle ne croit pas. Alors elle plaque tout pour un voyage en Inde. Durant un mois et demi, là-bas, elle a travaillé dans une ferme internationale, et a appris des techniques alternatives. En rentrant, elle a une idée précise du chemin à suivre : elle rejoint Terre et Humanisme, le mouvement créé par Pierre Rabhi, puis postule finalement chez Demeter.

Devant quelques tisanes relevées de miel de sapin, elle va m’expliquer avec passion les bases de ce courant de pensée créé par Rudolf Steiner, un philosophe autrichien fondateur de l’anthroposophie. Ce n’est pas la première fois que j’entends ces termes, depuis le début de mon voyage. Luc notamment, dans le Gers, m’avait dit utiliser certaines techniques issues de la biodynamie. Au début, il n’y croyait pas, et avait essayé “pour voir” : réaliser un vortex en brassant durant une heure une préparation à base d’insectes morts, cela ne pouvait pas le débarrasser des nuisibles. Et pourtant, contre toute attente, cela a fonctionné. Alors, depuis, il continue.

Maëva m’énumèrera d’autres techniques du genre, à la limite de l’ésotérisme. Les résultats sont là : les légumes certifiés par Demeter sont plus bio que bio. Aucun produit chimique n’intervient durant leur cycle de vie. Le lendemain midi, elle me propose une démonstration concrète en m’emmenant au marché couvert de Colmar. Un stand est dédié à la biodynamie ; les fruits et les légumes y sont en effet magnifiques, et délicieux.

Nous pousserons la balade dans Colmar, qui m’a enchanté avec ses canaux et ses maisons à colombages. Ce jour-là il y fait très froid, le thermomètre passe régulièrement en-dessous de -5°C. En sortant de la ville pour partir vers les Vosges, le panorama est surréaliste avec ses vignes gelées et ses arbres enneigés.